RASSEMBLEMENT DE SOUTIEN AU PERE PAOLO Dall’Oglio
Près de 200 personnes ont participé au rassemblement du mercredi 29 janvier, au Trocadéro, à Paris. (Photos Philippe Rochot)
Ce mercredi, il y aura six mois que le père Paolo a été enlevé en Syrie. Plusieurs manifestations se sont déroulée en Belgique, à Paris et ailleurs, en son hommage et en celui de tous les otages de Syrie.
OTAGE SYRIE : Le père Paolo, homme du dialogue en otage
Par Christophe Lamfalussy pour LA LIBRE BELGIQUE
Paolo Dall’Oglio, 59 ans, a disparu le 29 juillet dans la ville de Rakka, au nord de la Syrie, alors qu’il tentait d’entrer en contact avec les ravisseurs d’un ami conseiller municipal. Le père jésuite savait qu’il risquait gros à se jeter au milieu de cette ville prise par un groupe de jihadistes dissidents du Front Al-Nosra, l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL).
Ces islamistes, pour beaucoup étrangers, se battent pour instaurer un islam radical. Ils ont fait de Rakka leur fief. Ils en ont perdu brièvement le contrôle en janvier avant de le reprendre à l’Armée syrienne libre (ASL). Depuis, ils y ont interdit l’affichage de photos, la musique dans les lieux publics, la vente de cigarettes et de chichas. Ils détiendraient plusieurs centaines d’otages, des Syriens en majorité, mais aussi le père Paolo.
Un colosse chrétien
"Tu m’avais écrit que c’était peut-être de la folie", écrivait son amie et biographe Eglantine Gabaix-Hialé dans une lettre ouverte diffusée en octobre. "Je t’avais répondu que oui, c’était de la folie, mais que nous avions besoin et de ta folie et de toi vivant."
Le père Paolo avait été interviewé la veille du 29 juillet dans la ville de Rakka. Il déclara à la chaîne de télévision al-Aan qu’il faisait jeûne et ramadan en solidarité avec les musulmans et que "notre jihad, c’est pour la démocratie". Mais le lendemain, après qu’il se fut rendu au siège de l’EIIL, il disparut.
Aux habitants de Rakka qui vinrent les jours suivants s’enquérir de son sort, les ravisseurs, probablement interloqués par ce colosse chrétien, affirmèrent que le père Paolo était leur "hôte".
Car Paolo est une force de la nature, mû par cette volonté quasi christique de se battre au cur du mal et de la souffrance. Dès 2011, il a soutenu la révolution syrienne dans laquelle il voyait l’émergence d’une jeunesse éprise de liberté, qui s’est retournée contre le régime dans la foulée du Printemps arabe.
Et quand bien même les islamistes radicaux prenaient progressivement le dessus, il croyait encore à la réconciliation et à la non-violence.
Pour ce jésuite hors du commun, ce n’est qu’en partageant le sort des musulmans que les chrétiens d’Orient peuvent se rapprocher de ce Moyen-Orient déchiré par les querelles confessionnelles. Il est marginalisé dans l’église chrétienne syrienne pour qui la chute de Bachar risque d’entraîner un exode comme en Irak.
Prêtre, il refuse de prendre les armes, mais exprime son respect pour ceux qui se battent pour défendre leur peuple. "On a besoin d’une non-violence chrétienne, musulmane et juive pour sauver le Proche-Orient et traverser les appartenances communautaires", disait-il en septembre 2012 à "La Libre". Evincé par le régime syrien en juin 2012, le jésuite italien a aussitôt créé une nouvelle communauté chrétienne dans le Kurdistan irakien à Souleimaniye.
Ce faisant, il continue son inlassable combat dans un pays fui par 1,1 million de chrétiens d’Orient depuis la chute de Saddam Hussein. L’attraction qu’exerce la Syrie sur le père Paolo date des années 70. Après avoir fait son noviciat en Italie, ce Romain est parti à Beyrouth et à Damas, pour poursuivre des études universitaires en langue arabe et sur l’islam. En 1982, il est bouleversé par le massacre de Hama, perpétré par les forces du père de Bachar al-Assad. Il découvre les ruines du monastère catholique syriaque de Deir Mar Moussa où il installera une communauté dix ans plus tard, après avoir rénové cet ancien ermitage de Saint-Moïse l’Abyssin.
Honoris causa
En 2009, à l’initiative de deux étudiants, il a reçu le titre de docteur honoris causa de la KUL et de l’UCL pour avoir promu au sein de son monastère trois principes : une vie spirituelle enracinée dans les traditions islamique et chrétienne, l’hospitalité et la simplicité. "Ma foi, et ma fidélité à ma foi", avait-il dit à l’époque, "incarnent tout ce qui est précieux dans ma tradition et ce qui me pousse à découvrir les choses vraies dans d’autres traditions. Cette approche permet de réconcilier fidélité à la foi et foi dans le dialogue interreligieux".