OTAGE MEXIQUE : Rodolfo Cazares, l’otage oublié de la France (article JDD)
Depuis la libération cette semaine du père Vandenbeusch, Paris dénombre six otages français dans le monde. Une femme se bat pourtant pour que son mari, un chef d’orchestre de 37 ans enlevé au Mexique en juillet 2011, soit considéré comme l’un d’entre eux.
Le retour du père Georges Vandenbeusch, libéré cette semaine un mois et demi après son enlèvement au Cameroun, n’y a rien changé. Officiellement, la France ne considère pas Rodolfo Cazares, enlevé au Mexique il y a tout juste deux ans et demi, comme l’un de ses otages. "Il en reste six, encore détenus", indiquait mardi François Hollande, lors de ses vux aux Français. Quatre en Syrie, deux au Mali. L’association Otages du monde considère pourtant ce chef d’orchestre de 37 ans comme le "septième otage". "Pour nous, cette notion est fondamentale. Il n’y a aucune différence avec les autres, la souffrance des familles reste la même", explique au JDD.fr sa secrétaire générale, Patricia Philibert.
Le 9 juillet 2011 à Matamoros, au nord de son pays natal, le Franco-mexicain Rodolfo Cazares est enlevé en pleine nuit au domicile de ses parents en compagnie de 16 autres membres de sa famille. Les enfants et les femmes, dont son épouse française Ludivine Barbier Cazares, sont libérés deux jours plus tard et une rançon de 100.000 dollars est versée par la famille pour les cinq autres hommes. Puis, plus rien. "Depuis sa libération, Ludivine n’a plus aucune nouvelle de son époux", raconte Patricia Philibert. Les ravisseurs appartiennent probablement au Cartel du Golfe. Basé à Matamuros, il s’agit de l’une des organisations criminelles les plus puissantes du pays.
Pas de caractère politique à cet enlèvement, selon le Quai d’Orsay
L’objet du rapt est plus flou. L’hypothèse d’une confusion avec un homonyme est privilégiée par la famille. "On pense que notre enlèvement est lié à Rudy Cazares, un des enfants illégitimes du grand-père de Rodolfo", expliquait en octobre 2012 Ludivine Barbier Cazares, interrogée par Parismatch.com. La piste d’un règlement de comptes n’est pas non plus tout à fait exclue. Le père du Franco-mexicain était alors le responsable de la compagnie des eaux de Matamuros, tandis que trois de ses frères enlevés avaient une entreprise dans le bâtiment.
La nature crapuleuse de cet acte est en tout cas privilégiée par la diplomatie française. C’est la raison pour laquelle le ministère des Affaires étrangères continue de considérer le cas de Rodolfo Cazares comme un "enlèvement" et non "une prise d’otages", qui aurait alors un caractère politique. "Ça ne change rien au fait que l’on se donne autant de mal pour résoudre cette affaire que les autres. Le contact avec les autorités mexicaines est permanent", indique au JDD.fr une source au sein du Quai d’Orsay. Le centre de crise reconnaîtrait toutefois que la distinction entre une personne kidnappée et un otage est parfois difficile à établir. En 2008 dans le golfe d’Aden, l’attaque du voilier Ponant par des pirates somaliens avait ainsi été considérée comme une prise d’otages. L’équipage avait été libéré contre la remise d’une rançon. Etre otage, "une façon de le faire sortir de l’oubli"
Le ministère des Affaires étrangères assure également être "mobilisé depuis le début" pour obtenir la libération de Rodolfo Cazares. Et ce, malgré sa situation particulière. Domicilié en Allemagne, où il dirigeait depuis 2007 le théâtre de Bremerhaven, le chef d’orchestre avait en effet demandé la citoyenneté française en juin 2011, un mois seulement avant sa capture. Sa naturalisation par mariage n’avait abouti que quelques mois plus tard, au cours de sa détention, avec effet rétroactif.
C’est d’ailleurs à ce moment, en février 2012, que Ludivine Barbier Cazares a été reçue une première fois au ministère des Affaires étrangères. Une autre rencontre a suivi en décembre 2012. Puis en février 2013, la jeune femme, qui a arrêté son activité de traductrice pour reprendre ses études, a reçu une lettre de Laurent Fabius. Dans ce courrier, le ministre assurait veiller "personnellement à ce que les moyens de la diplomatie française restent mobilisés". "Depuis, nous n’avons pas eu d’informations qui montreraient que le dossier a avancé", affirme Patricia Philibert, pour qui la reconnaissance de Rodolfo Cazares comme otage serait "une façon de le faire sortir de l’oubli".
"Mais si l’enquête au Mexique piétine, on ne peut pas dire pour autant que rien n’est fait au niveau diplomatique, puisque l’ambassadeur et le consul de France restent en contact avec Ludivine", reconnaît la secrétaire générale d’Otages du monde. Son association compte évoquer une nouvelle fois le cas de Rodolfo Cazares lors d’une rencontre au Quai d’Orsay prévue le 24 janvier prochain. "Plus on reste discret, mieux c’est, surtout dans un pays comme le Mexique où l’on marche sur des ufs depuis l’affaire Florence Cassez", assure-t-on au ministère des Affaires étrangères. Le Quai précise que Ludivine Barbier Cazares sera reçu dès qu’elle en fera à nouveau la demande.
Arnaud Focraud - leJDD.fr
OTAGE MEXIQUE : Rodolfo Cazares, l’otage oublié de la France (article JDD)