Editorial
Cesser de marcher, de profiter d’un soir d’été, de manger à sa faim et de discuter avec des amis tard dans la nuit pour toucher du bout du doigt ce que vivent Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière depuis plus d’un an et demi. ne pas savoir si ses proches sont en bonne santé. Vivre l’angoisse de ne jamais les revoir. se raccrocher un jour à la bonne humeur de ses ravisseurs comme à un éventuel et dérisoire signe de libération imminente et subir, dès le lendemain, leur colère face à des négociations qui piétinent. imaginer leurs conditions non pas de vie mais de survie et comprendre la force intérieure qui les anime. depuis le début des années quatre-vingt, dix-huit journalistes français ont vécu ceNe situation. un chiffre à la fois considérable et inLme. considérable, parce que chaque prise d’otage de journaliste est une aNaque directe aux droits de chacun et à la liberté de l’information. inLme, parce que les groupes terroristes, responsables de ces enlèvements, ont bien conscience qu’un nombre plus importants d’otages desservirait leur stratégie. plus un otage est personniLé et son visage familier, plus il aura d’impact médiatique. S’il y en avait davantage, il deviendrait un anonyme parmi d’autres et les citoyens français s’accoutumeraient peu à peu à ce phénomène. Or, par déLnition, les terroristes jouent de la terreur. eur force n’est pas de frapper souvent mais de frapper fort, une seule fois, et de convaincre l’opinion publique qu’ils sont capables de le faire à nouveau n’importe quand. la prise en otages de journalistes fait parti de l’arsenal terroriste. du hezbollah libanais à la pieuvre al-qaïda en afghanistan et dans le sahel, en passant par l’armée islamique d’irak, les shebabs somaliens et les hommes du « commandant robot » sur l’île de Jolo ; tous usent ou ont usé de ce moyen de pression pour « Lssurer » les démocraties en jouant avec leur corde sensible : la valeur de l’homme. La « guerre contre le terrorisme », lancée au lendemain des aNentats du 11 septembre 2001 est loin d’être terminée. les journalistes, témoins de ces conMits, continueront donc d’être exposés au risque de la prise d’otage. ce numéro de Reporters analyse en détail la façon dont la profession s’est adaptée à ce phénomène. tant par la formation et l’expérience pour s’en protéger, que par la réaction et la mobilisation pour obtenir la libération d’un confrère capturé. les risques changent mais le devoir d’informer demeure. L’information est un des remparts des démocraties contre le terrorisme, à nous journalistes, de jouer notre rôle. le journalisme à l’épreuve du terrorisme
2 mai 2011 - rePorters V I C T O R G U I L B E R T A U T E U R D U M E M O I R E