Mariane Pearl, épouse du reporter du Wall Street Journal enlevé et assassiné en 2002 au Pakistan par des terroristes islamistes
Doit-on négocier avec des preneurs d’otages ?
C’est une question très difficile. J’y ai évidemment beaucoup réfléchi. Bien sûr, cela crée un précédent et peut encourager les terroristes. Mais la vie humaine doit primer sur toutes les considérations, politiques ou autres. Il faut donc tout mettre en uvre pour sauver des otages. Pour Dany, il y aurait eu peut-être davantage à faire pour tenter d’obtenir sa libération, en impliquant notamment les services de renseignement pakistanais et la Maison-Blanche. Reste que les preneurs d’otages, comme ce fut le cas pour ceux qui ont assassiné Dany ou ceux qui ont enlevé les deux journalistes français, ne cherchent guère à négocier et présentent des exigences irrecevables.
Le drame que vous avez vécu a-t-il changé votre regard le monde musulman ?
Non. Je ne confonds pas les fondamentalistes avec les musulmans. D’ailleurs, la nouvelle baby-sitter de mon fils est algérienne et je l’adore. Mais j’estime que c’est aux musulmans du monde entier de dire à l’intention des preneurs d’otages : ne faites pas cela en notre nom !
Estimez-vous que les journalistes prennent trop de risques ?
Ils font leur métier. Aucun des journalistes de terrain que j’ai rencontrés après l’assassinat de Dany n’a jamais songé à renoncer à couvrir le pays où il travaillait. Mais ce qui est grave, c’est qu’il n’y a plus d’immunité pour les reporters, et c’est une atteinte aux fondements de la démocratie. Quand Dany a été tué, il y a eu une sorte de fatwa pour ordonner aux journalistes étrangers de quitter le Pakistan dans les vingt-quatre heures. Ce qu’ils n’ont évidemment pas fait.
Comment trouve-t-on la force de surmonter une telle épreuve ?
C’est très personnel, mais cette force, je l’ai trouvée en refusant, avec mon petit garçon, d’offrir aux terroristes le spectacle de notre accablement, de notre anéantissement. Et j’ai appris que Dany, lui aussi, avait fait front en refusant à ses bourreaux de prendre préventivement des cachets, des calmants pour ne pas souffrir...
Propos recueillis par Alain Louyot
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