Guy-André KIEFFER
Un journaliste de conviction et de terrain enlevé à Abidjan le 16 avril 2004
Guy-André Kieffer (GAK) est né le 25 mai 1949. Il est marié à Osange Silou-Kieffer, avec laquelle il a eu une fille, Canelle. Toutes deux résident à Paris. D’une précédente union, GAK a eu un fils Sébastien qui vit à Montréal. Cette union lui a donné l’accès à la double nationalité, franco-canadienne. Sa famille vit et travaille en région Rhône-Alpes (à La Rochette, en Savoie et à Lyon). Journaliste économique, spécialiste réputé des matières premières et notamment de la filière cacao-café, GAK a travaillé pendant 18 années à la "Tribune" (1984-2002) après un passage à "Libération".
En 2002, il prend un congé sabbatique pour se rendre en - Côte d’Ivoire, à la demande du président Laurent GBAGBO, élu en 2000, qui souhaitait lui confier une mission d’audit - de la filière cacao dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. Cette mission se déroule au sein du cabinet CCC (Commodities Corporate Consulting) mais prend fin prématurément, au bout de quelques mois, du fait sans doute que cet audit met rapidement en lumière les malversations considérables qui affectent cette filière. Un rapport d’audit de l’Union européenne sur "l’argent du cacao", publié fin-2005 a démontré a posteriori le bien-fondé des conclusions auxquelles GAK était parvenu.
En 2003 et début 2004, plutôt que de renoncer à ses investigations, et malgré les premières menaces qui se font jour, GAK décide de les poursuivre et même d’en élargir le champ, en qualité de journaliste indépendant.
Il produit alors, jusqu’au jour de son enlèvement, de nombreux articles bien renseignés et très critiques sur l’économie et les finances de la Côte d’Ivoire, articles qu’il publie dans la presse ivoirienne sous des pseudonymes divers ou dans "La lettre du Continent" revue française spécialiste de l’Afrique à laquelle il collabore régulièrement.
Ces enquêtes, dont il apparaît clairement qu’il en est l’auteur, lui valent de nombreuses inimitiés dans les milieux d’affaires ivoiriens (ou franco-ivoiriens) et au sein même du gouvernement ivoirien : il échappe ainsi, semble-t-il, à trois reprises à des procédures d’expulsion grâce, semble-t-il à des interventions du président GBAGBO lui-même.
Les menaces d’expulsion se transforment progressivement en menaces plus directes : divers témoignages concordants font état de menaces de mort, la dernière ayant été proférée publiquement dans un restaurant d’Abidjan par un proche du ministre de l’économie ivoirien ("On aura ta peau...") peu de temps avant son enlèvement.oooooooooooooooooooo
Au cours des mois qui ont précédé cet enlèvement GAK avait notamment travaillé sur les sujets suivants :
Le financement des ventes d’armes en Côte d’Ivoire
Le financement des groupes rebelles du Libéria
Le montage de la Banque Nationale d’Investissement
Le paiement occulte des salaires de Guinée-Bissau par la Côte d’Ivoire
et l’enrichissement personnel des hauts dignitaires du régime, parmi d’autres sujets éminemment sensibles.
Dans les jours qui ont précédé son enlèvement, les personnes qui l’ont côtoyé l’ont décrit comme se sentant directement menacé, traqué. De toute évidence, GAK se savait en danger. Il a néanmoins poursuivi son travail de journaliste sur place, avec courage et détermination, jusqu’à la date fatidique du 16 avril 2004. Depuis ce jour, GAK n’a plus donné aucun signe de vie.
Le 16 avril 2004, vers 13 h30, GAK est enlevé par un commando, sur le parking d’un supermarché d’Abidjan, alors qu’il avait rendez-vous avec le beau-frère de Simone GBAGBO.
Depuis le 16 avril 2004, malgré les innombrables difficultés auxquelles elle se heurte, l’enquête judiciaire, conduite par les juges d’instruction français Patrick RAMAEL et Emmanuelle DUCOS, a très rapidement permis de mettre en cause l’entourage du couple présidentiel ivoirien et du ministre de l’économie et des finances, Bohoun BOUABRE.
Les juges détiennent actuellement la liste précise des commanditaires et opérateurs présumés de la disparition de GAK, mais leur conviction repose davantage sur des faisceaux de présomption que sur des preuves définitives. Ils n’ont pas pu interroger sur place certains témoins-clés du dossier et n’ont pas eu l’autorisation de faire venir en France, pour l’interroger loin des pressions politiques, le principal suspect (beau-frère de Mme GBAGBO). Nul ne sait en outre ce qu’est devenu GAK ou son corps si, comme il faut le redouter, il a été assassiné après son enlèvement.
La difficile mobilisation des medias et de l’opinion publique : GAK était journaliste indépendant et n’avait donc pas derrière lui une rédaction puissante comme c’était le cas pour Florence AUBENAS, Christian CHESNOT ou Georges MALBRUNOT. Un grand nombre de ses confrères sont mobilisés et suivent de prés cette affaire, mais ils le font à titre personnel. Par ailleurs, GAK n’est pas « otage », prisonnier du pouvoir ou des « rebelles » ivoiriens. Nul n’a demandé de rançon et il n’a pas été enlevé pour des raisons crapuleuses. Enfin, il est sans doute plus facile de se mobiliser pour un otage présumé vivant que pour un journaliste disparu qui n’a donné aucun signe de vie depuis quatre ans.
Plusieurs villes de France se sont mobilisées : en particulier Chambéry, Paris (qui affiche GAK place de la Nation), Lyon qui a affiché GAK sur les grilles de l’hôtel de Ville.
Reporters sans frontières, , le Club de la presse de Lyon, OTAGES DU MONDE ? parmi d’autres, soutiennent cette cause.
L’absence d’accompagnement politique de l’enquête judiciaire : depuis le début de cette affaire, ni le Gouvernement français en général, ni le Quai d’Orsay en particulier n’ont véritablement aidé le déroulement de l’enquête judiciaire. Bien au contraire : les freins mis aux transports sur place des juges français, à la transmission des commissions rogatoires internationales, la non-implication du Ministère des Affaires étrangères (« Nous n’avons aucune information et ne pouvons pas en avoir, puisqu’une procédure judiciaire est en cours... ») ont conduit à l’absence de pression politique forte sur les autorités ivoiriennes.
Cette pression politique est celle que la famille réclame depuis quatre ans, en accompagnement de la procédure judiciaire. Sans elle, cette affaire a toutes les chances de s’enliser durablement dans le marais des relations tumultueuses franco-ivoiriennes.
GAK a été enlevé pour des raisons politiques et non pas crapuleuses. Cette affaire ne relève pas du fait divers mais du crime d’Etat puisque son élimination a selon toute vraisemblance été organisée au plus haut niveau du pouvoir ivoirien. C’est une affaire politique qui nécessite un traitement politique.
En lisant le passage que consacre l’épouse du Président ivoirien, Simone GBAGBO à l’affaire G.A. KIEFFER dans le livre qu’elle a publié en 2007 (« Paroles d’honneur »), on découvre que les Ivoiriens utilisent désormais ce néologisme, "kiefferiser", pour désigner l’élimination définitive et sans trace d’un gêneur...
On ne peut être plus clair, ni plus explicite...
Informations : http://www.guyandrekieffer.org
Contact : Bernard KIEFFER, frère de Guy-André [email protected] téléphone : 06 80 53 73 21
ou Jeanne KIEFFER, belle-soeur de Guy-André [email protected] téléphone : 06 81 62 27 47