Christophe et son épouse Martine avaient rejoint notre association en janvier 2007 après la terrible épreuve qu’ils avaient dû affronter en 2005/2006. Christophe avait été séquestré pendant plus d’un an dans la jungle colombienne et avait témoigné des effroyables conditions de sa prise d’otage et du combat courageux de sa femme et de ses enfants pour obtenir sa libération.
Christophe et Martine étaient devenus nos amis et nous sommes bouleversés par ce décès au moment même où tous deux commençaient à reconstruire leur vie, dans le Sud de la France.
Toute l’équipe d’Otages du Monde tient à faire part de son affection et de son soutien dans cette terrible épreuve à son épouse et leurs six enfants.
PERPIGNAN -QUOTIDIEN L’INDEPENDANT
Christophe Beck, "L’otage oublié", est décédé
Ce Millassois âgé de 64 ans qui avait survécu à plus d’un an de séquestration dans l’enfer de la jungle vénézuelienne a succombé, il y a deux jours, à une crise cardiaque à son domicile de Ponteilla où il tentait de reconstruire sa vie.
"On a eu le grand bonheur de le retrouver après sa séquestration, on a pu en profiter jusqu’ici mais au final, ça l’a tué". Dans un sanglot, submergée par la douleur, Francesca Beck ne peut se résoudre à pardonner ceux qui ont séquestré son père 371 jours durant dans l’enfer de la jungle amazonienne. Et surtout ceux qui ne l’ont pas accompagné ensuite.
371 jours dans la jungle
C’est en 1992 que l’entrepreneur installé à Millas décide de revendre sa société spécialisée dans l’aluminium (et qui porte toujours son nom) pour s’installer au Venezuela, plus précisément dans l’Etat de Barinas, province de Libertad... Là, sur sa propriété de 1 000 hectares, Christophe Beck se reconvertit dans l’élevage de zébus blancs. Depuis sa ferme, le sexagénaire gère un troupeau de 1 200 têtes. Et attise les convoitises. Le 13 décembre 2005, sa vie a bas culé, à jamais. Et avec lui, celle des siens. Au petit matin, la ferme est prise d’assaut par une bande de guérilleros armés. Sous les yeux médusés de son épouse, l’éleveur est enlevé, nu. Sans ménagement. Martine ne le reverra plus durant 370 jours.
Plus d’un an de doutes, un an de tous les combats aussi pour sa famille restée dans les P.-O. Car, comme il est de coutume dans cette région, les ravisseurs, membres de l’ELN (Ejercito liberacion nacional) et du FBL (Fuerzas bolivianas de liberacion) ne tardent pas à réclamer une rançon, 40 000 euros. Elle sera payée en deux fois. Et met un terme à un an de survie dans des conditions épouvantables.
Une reconnaissance
Le 24 décembre 2006, l’avion qui ramène Christophe Beck se pose à Perpignan. L’homme, marqué physiquement (il a passé les sept derniers mois enchaîné à un arbre) et moralement par les conditions de sa captivité dans la jungle, est accueilli dans un énorme soulagement par les siens. Un Noël inoubliable qui marque la fin d’un véritable calvaire pour cette famille.
En apparence du moins. Car l’otage n’a pas laissé que sa santé dans cette épreuve. L’ancien homme d’affaires a tout perdu et se retrouve livré à lui-même avec pour unique soutien celui de ses proches. Commence alors pour lui un autre combat. "Après sa libération, il n’a eu pour seule aide que celle d’un psychiatre qui s’est contenté de lui donner des tranquillisants. Puis on l’a dirigé vers une association qui vient en aide aux femmes battues !", peste Francesca sa fille, installée à Corbère. "On s’est aperçu que rien n’était prévu pour des ex-otages, pas d’infrastructures, absence d’aide médicale ou psychiatrique... Un manque total de prise en charge".
Christophe Beck, qui doit s’installer dans un mobile home se fait le porte-parole de ceux qui, comme lui, ont connu la souffrance d’une séquestration. Il intègre l’association "Otages du monde" et écrit un livre au titre évocateur : "L’otage oublié" (*) sort en avril 2009 et raconte sa terrible expérience.
Depuis, avec son épouse, il s’était reconstruit. Il s’était installé à Ponteilla où il avait retapé une maison. Sa dernière demeure. Christophe Beck s’est éteint mercredi soir, à 20 h, foudroyé sur son canapé par une crise cardiaque. Il venait tout juste de subir une opération du coeur suite à une alerte. "Il s’était reconstruit, il était apaisé, mais ce n’était plus la même person ne depuis" , pleure sa fille. (*) "L’otage oublié", aux éditions Jean-Claude Gawswitch. Les obsèques religieuses auront lieu lundi matin en l’église d’Ille-sur-Têt avant la crémation à Canet vers midi.
Jean-Michel Salvador